Ascension
Keisha leva les yeux au-dessus d’elle, contemplant
la voûte artificielle dénuée de lumière qui surplombait la cité. Elle eut une
grimace à la fois dégoûtée et envieuse. Depuis maintenant quatre générations, à
l’époque où les bombes avaient ravagé presque la totalité de la planète, la
société Total Shield s’était présentée en sauveuse grâce à la création
de son mur Separate anti-radiations, qu’elle avait érigé tout autour de
New York. Tandis que le reste du monde agonisait à l’extérieur de la
protection, les dirigeants de la compagnie s’étaient appropriés la ville,
soutenus par ceux qu’ils sauvegardaient. L’organisation de la cité avait été
revue de fond en comble, sans la moindre opposition. On créa d’immenses serres
que tous apprirent à cultiver. On transforma les hangars en usines pour
augmenter la production de matières nécessaires. Des centaines d’habitants
furent sélectionnés afin d’intégrer les unités mobiles de minage, hors des
murs. Tout cela sous la surveillance exclusive de la milice de Total Shield,
toujours plus exigeante et plus stricte.
Au bout d’une vingtaine d’années, le plafond était
apparu. Soutenu par d’immenses piliers et des régulateurs de pesanteur, un
étage fut construit, loin au-dessus du sol. Seule une élite, choisie uniquement
selon la volonté de la société directrice, avait eu droit à une vie de luxe sur
ce qu’ils avaient baptisé la Cité Volante. Mais le nom n’avait pas été
repris et ceux qui restèrent coincés en bas commencèrent à parler de Paradis
et d’Enfer. La création d’une caste toute puissante fit naître des
tensions qui se transformèrent rapidement en manifestations. Avant que la
situation ne dégénère, les autorités mirent en place un tournoi tous les trois
ans, le Full Fighters. Il permettait au vainqueur de venir vivre sur Paradis,
offrant ainsi une chance au commun des mortels de rejoindre le ciel. Les
quelques opposants à cette solution empoisonnée furent rapidement oubliés,
devenant muets sous les balles intransigeantes des armes de la milice. La
populace, qui avait besoin d’espoir, n’y prêta pas la moindre attention.
C’était précisément à ce tournoi que Keisha allait participer, un tournoi
mortel et sans retour. On ne le quittait que de deux manières : la mort ou
un allé simple pour Paradis.
Après s’être entretenu avec les membres de la Loge,
les juges de la compétition, son ami et entraîneur Eno lui fit signe
d’approcher de la porte. La foule s’était rassemblée autour d’une arène close
et circulaire d’une dizaine de mètres de diamètre, uniquement cerclée d’un
grillage solide. Avide de divertissements, les habitants de l’Enfer
savouraient par avance le spectacle qu’ils attendaient impatiemment depuis des
années. Qu’une femme se soit qualifiée pour le premier tour était un miracle à
leurs yeux et ils espéraient ardemment voir son adversaire la broyer
rapidement. La violence des combattants leur permettait d’extérioriser leur
frustration de vivre dans un monde sans avenir. Keisha jeta un dernier regard
sur les écrans géants placardés un peu partout dans la cité, répétant en boucle
les reportages sur les derniers vainqueurs arrivant dans Paradis où une
maison individuelle les attendait au milieu de parterres de plantes colorées.
Elle s’était promis d’atteindre le plafond et rien ne pouvait la faire changer
d’avis.
Son regard se posa de nouveau droit devant elle puis
elle passa la porte. L’homme qui se tenait devant elle était grand et massif.
Son visage n’exprimait aucune émotion comme tout combattant typique du Full
Fighters. Keisha savait qu’elle n’avait aucune chance de gagner par la
force brute. Les hommes étaient naturellement plus solides et possédaient plus
d’aisance au développement de leurs muscles. Elle comptait donc sur les
capacités dans lesquelles les femmes avaient plus de facilités comme l’agilité,
la souplesse ou encore la vivacité. Elle s’était longtemps entraînée en ce
sens. Sur l’épaule de son adversaire, trois implants métalliques trônaient
fièrement. Le règlement du tournoi les autorisait mais il était généralement
rare d’avoir les moyens de s’en acheter. Elle ignorait où et comment il avait
pu se les procurer mais ils semblaient de facture officielle, en provenance
directe de Total Shield. Le duel s’annonçait inégal. Ces modifications
augmentaient les caractéristiques du corps humain et offraient un avantage non
négligeable à celui qui les portait. Keisha se força à visualiser son objectif
et à oublier tous les obstacles qui se dressaient entre eux. Déterminée, elle
s’avança au centre de l’arène. Tout ce qu’il lui fallait, c’était éviter ses
coups. Concentrée à l’extrême, elle ne le quittait, analysant sa démarche, les
mouvements de ses bras, l’équilibre de son corps. La jeune femme retint un
sourire. Comme elle s’y attendait, les implants augmentaient probablement
uniquement sa force. Il était lent, du moins suffisamment pour qu’elle voit
arriver ses frappes et les esquive.
Les deux combattants à présent au milieu du ring,
l’arbitre qui se tenait à la droite de la Loge, en hauteur, sonna le début de
l’affrontement. L’homme lança son poing vers le visage de Keisha. Elle n’eut
aucun mal à le voir venir et à se pencher sur la gauche. La foule hurlait déjà
contre les grilles. D’un geste souple, elle se courba pour donner un coup au
niveau des côtes.
Rien ne se brisa.
Keisha hoqueta presque de surprise mais eut la réaction
de reculer de quelques pas, évitant de peu le coude de son adversaire.
Finalement, elle se corrigea. Les renforcements n’étaient pas que de nature
musculaire. Ils étaient également épidermiques, ce qui lui permettait
d’encaisser avec l’équivalent d’une armure.
Elle paniqua quelques secondes. Comment allait-elle
pouvoir s’en sortir ?
Ce manque de concentration l’empêcha d’apercevoir la
main de l’homme qui réussit à lui attraper le poignet. Elle tira pour tenter de
s’extirper. Mais rien à faire. La force de son adversaire était bien supérieure
à la sienne.
Il fléchit son bras, forçant sur celui de Keisha
pour le plier dans un angle impossible naturellement. Ses os craquèrent. Un cri
bref s’échappa de sa gorge. La foule hurla de plus bel. L’homme leva les deux
mains pour saluer les spectateurs, tirant sur le membre cassé de la jeune femme
qu’il tenait toujours. Il s’amusait. Si elle ne se reprenait pas très vite, la
mort allait la cueillir bien plus tôt qu’elle ne le souhaitait. Hors de
question. Elle devait se rendre sur Paradis. De là-bas, elle aurait sans
doute plus de possibilités de faire changer les choses pour ceux d’en bas. Pour
les siens.
Maudits implants !
Elle cracha sur son manque de chance d’être tombée
sur un adversaire de cette trempe au premier tour. L’homme jouait toujours avec
son bras, la baladant pour satisfaire le plaisir malsain de son publique,
complètement convaincu à sa cause.
Mais oui ! Les implants.
S’ils lui posaient problème, elle n’avait d’autre
choix que de les lui retirer. Son corps s’en trouverait aussitôt affaibli et
elle pourrait le vaincre sans plus de difficulté.
D’un geste souple, et malgré la douleur qui lui
traversa tout le bras, elle prit appui sur la main ferme de son adversaire,
remontant à cheval sur ses épaules. De surprise, l’homme ne réagit pas
immédiatement. C’était le moment d’agir. Elle serra ses cuisses autour du cou
du combattant. Croyant qu’elle cherchait à l’étouffer, il lâcha son bras et
agrippa les jambes de la jeune femme. Elle mit ce temps à profit pour tirer sur
les embouts métalliques, les arrachant de la chair même.
Il tomba à genoux, soudain à bout.
— C’est maintenant que je passe en demi-finale, mon
ami, murmura-t-elle durement. Cette place est pour moi.
Ses cuisses se serrèrent plus fort. L’homme essayait
vainement de reprendre sa respiration. Sans une once de pitié, Keisha l’acheva
en quelques minutes. La foule infidèle avait retourné sa veste, l’acclamant à
présent. L’adrénaline quitta lentement le corps de la jeune femme. La douleur
et l’épuisement la rappelèrent à l’ordre. Elle laissa le cadavre gésir au
centre de l’arène, à la vue des habitants de l’Enfer qui régalèrent leur
appétit mortuaire durant des heures encore.
Eno l’attendait aux portes, serviette et trousse de
soins en main. Le bras de Keisha pendait lamentablement le long de ses hanches.
Il la drapa doucement et l’emmena à l’abri des regards, dans l’obscurité de la
salle de repos que les organisateurs du tournoi avaient mis à leur disposition.
— Tu ne tiendras pas jusqu’à la fin du tournoi à ce
rythme, lui confia-t-il avec assurance. C’était le premier adversaire et il t’a
presque eue.
— Presque. C’est le mot, plaisanta Keisha.
— Ce n’est pas drôle, tête de linotte. Il ne reste
donc plus rien entre tes deux oreilles ? Les coups ont fini par expulser
ta petite cervelle de ta boîte crânienne ?
Keisha soupira, silencieuse. Il n’y avait rien à
répondre. Il avait raison. Si son premier adversaire était de ce niveau, celui
qu’elle affronterait dans trois jours promettait d’être pire. Malgré les bons
soins d’Eno, son bras aurait tout juste le temps de se remettre.
— Tu as une solution à me proposer ?
Demanda-t-elle à contre-cœur.
— Abandonne tant que tu le peux encore. Sinon, ton
cadavre finira à l’extérieur avec les poubelles.
— Je veux aller sur Paradis.
— Je me doutais bien que tu n’écouterais rien. Mais
je me devais d’essayer.
Elle hocha simplement la tête. Il commença à
s’occuper de son bras en l’incorporant dans un petit caisson de soin, délivré
lui aussi par les organisateurs du tournoi. Il était plus palpitant et plus
lucratif de présenter des combattants en bon état devant les caméras. Eno
programma la machine.
— Je connais peut-être quelqu’un qui pourrait
t’aider. Mais avant que tu ne t’emballes, la coupa-t-il alors qu’elle allait le
remercier, il faut que tu comprennes que c’est dangereux et que tu as des
chances d’y rester.
— Si je ne fais rien, je suis sûre d’y rester.
Autant prendre ce risque.
— Très bien. J’ai un ami qui crée lui-même ses
implants. Généralement, ils ne sont pas aussi fiables ou puissants que ceux de Total
Shield, mais il m’a parlé l’autre fois d’expérimentations inédites.
— Des implants jamais vus ailleurs ? Tu penses
qu’ils pourront m’aider pour les combats.
— Il y a des chances, oui. Je finis d’entrer les
codes de soin du caisson et nous irons lui demander directement, si tu es
d’accord. Il faut quelques jours pour qu’un implant soit intégré puis activé
avec une acceptation totale du corps. Le temps nous est compté.
Keisha acquiesça et ils se mirent en route quelques
minutes plus tard. Encapuchonnée pour ne pas être reconnue, elle suivit Eno
comme son ombre à travers les méandres des rues bondées, sales et malodorantes
de New York. Il se glissa derrière une porte de métal à la peinture d’un rouge
passé et écaillé. Ils empruntèrent un long couloir parsemé de portes rouillées
puis débouchèrent sur un petit entrepôt rempli de matériel informatique en tout
genre. Une vingtaine de personnes vaquait à leurs occupations, dont la moitié
était armée. Par souci de sécurité, et probablement pour mieux les contrôler,
les revolvers et fusils avaient été prohibés au sein de l’Enfer, à
l’exception de la milice. Ce qui se passait ici ne devait pas être très légal.
Deux sentinelles les mirent en joue dès leur arrivée, bientôt rejointes par un
homme d’une quarantaine d’années en blouse blanche.
— Eno, mon vieil ami, salua-t-il un sourire aux
lèvres, comment vas-tu ? Ça fait des mois que tu n’es pas venu.
— Isaac, laisse-moi te présenter Keisha. J’étais
occupé à l’entraîner pour le tournoi.
Plusieurs paires d’yeux se tournèrent vers elle. La
jeune femme décida de retirer sa capuche. Le dénommé Isaac la détailla de la
tête aux pieds, le regard critique.
— Je peux comprendre, avoua-t-il à demi amusé. Il y
a une raison spécifique à votre visite ? Vous étiez impressionnante durant
votre combat, mademoiselle, ajouta-t-il. Moi-même j’aurais parié sur votre
défaite.
— Nous sommes venus pour tes implants, lui avoua
Eno. Puisque tu as vu le combat, tu as du remarquer les difficultés de Keisha
face à des adversaires boostés. Il lui en faut un pour passer le prochain tour.
— Ce n’est pas encore au point. Nous avons à peine
testé sur quelques animaux. Si tu tiens vraiment à elle, le mieux est de la
convaincre de ne pas y retourner.
— Il a déjà tenté, intervint Keisha. En vain. Avec
ou sans implants, je retournerai sur le ring. Même si je sais que sans l’un de
vos trucs, je n’ai aucune chance d’atteindre Paradis. J’essaierai.
Isaac prit quelques minutes pour réfléchir.
— Je pense avoir quelque chose pour vous puisque
vous êtes si déterminée. Mais il y a une chance sur deux pour que vous restiez
sur le billard, sans avoir pu vous battre. Toujours tentée ?
La jeune combattante opina. Le scientifique les
invita alors à le suivre derrière des rideaux de plastique blanc. Il informa
son équipe de l’opération subite à effectuer et tous se préparèrent en grande
hâte. Une femme vint s’occuper de Keisha, lui demandant de retirer son blouson,
son T-shirt et de s’allonger face contre la table, tandis qu’Isaac expliquait les
étapes de l’implantation à Eno. Elle sentit la finesse d’une aiguille perçant
sa peau puis, quelques secondes plus tard, les ténèbres envahirent son esprit.
Elle eut du mal à ouvrir les yeux. Ses paupières lui
semblaient lourdes et irritées. Une douleur pulsante envahissait l’ensemble de
son cou, remontant sur sa nuque et se propageant dans ses trapèzes. Elle remua
doucement ses lèvres sèches. On lui glissa une paille dans la bouche pour
l’aider à se réhydrater. Elle sentait bien la tribu de seringues plantées sur
son bras droit afin de la remettre sur pied au plus vite. La voix d’Eno, à ses
côtés, lui souffla des paroles de réconfort. Keisha se détendit.
I.N.I.T.I.A.L.I.S.A.T.I.O.N.
Les lettres s’affichèrent derrière ses paupières
comme sur un écran d’ordinateur.
A.N.A.L.Y.S.E.
D.E.S. S.Y.S.T.È.M.E.S. V.I.T.A.U.X…
É.T.A.T.
É.P.I.D.E.R.M.I.Q.U.E. : O.K.
É.T.A.T.
M.U.S.C.U.L.A.I.R.E. : O.K.
F.O.N.C.T.I.O.N.S.
V.I.T.A.L.E.S. : OK
A.N.A.L.Y.S.E.
E.N.V.I.R.O.N.N.E.M.E.N.T.A.L.E.
…
A.U.C.U.N.
D.A.N.G.E.R. D.É.T.E.C.T.É.
Que lui arrivait-il ? Keisha ouvrit brusquement
les yeux, les clignant tout d’abord. Sans grand effort particulier, elle se
redressa. La douleur avait disparue. Eno l’observait, silencieux et immobile,
prêt à la retenir au moindre problème. La jeune femme baissa le regard sur son
caisson de réparation moléculaire. Il n’était plus sur son bras. Cela ne
pouvait signifier qu’une chose : trois jours s’étaient écoulés depuis
qu’elle s’était endormie. Elle tourna la tête vers son ami.
— J’ai combien de temps pour rejoindre
l’arène ? Articula-t-elle.
— Très peu malheureusement. Enfile tes vêtements tu
commences dans dix minutes.
Elle s’exécuta tandis qu’il remerciait Isaac, puis
ils partirent comme ils étaient venus, remontant les rues en direction de l’arène.
Eno lui expliqua rapidement les fonctionnalités de son implant. Ce dernier
avait été positionné sur le haut de sa nuque et lui permettait d’analyser les
situations et de trouver les solutions les plus adéquates suivant les
problèmes, à la vitesse d’un super ordinateur. Qui plus est, il activait les
fonctions cérébrales offrant un plus grand rendement à ses actions :
optimisation de sa musculature, meilleure gestion de la souplesse. Un atout
incroyable et inédit pour la suite du tournoi. À peine arrivèrent-ils à
destination que Keisha entendit son nom dans le haut-parleur. Elle pénétra dans
l’enceinte de l’arène une nouvelle fois puis observa son adversaire, faisant fi
de la foule ingrate qui hurlait à pleins poumons. L’homme était grand et
semblait solide, dans le même moule que le compétiteur précédent.
D.A.N.G.E.R.
D.É.T.E.C.T.É.
A.N.A.L.Y.S.E.
A.U.T.O.M.A.T.I.Q.U.E. D.U. S.U.J.E.T.
…
5. I.M.P.L.A.N.T.S.
D.É.T.E.C.T.É.S.
P.U.I.S.S.A.N.C.E. :
1.5.0. %
R.É.S.I.S.T.A.N.C.E. :
1.2.0. %
I.N.T.E.L.L.E.C.T. :
6.0. %
R.É.F.L.E.X.E.S. :
7.0 %
V.I.C.T.O.I.R.E.
E.S.T.I.M.É.E. À : 9.0. %
Confiante devant l’ensemble de ces chiffres, Keisha
afficha un sourire satisfait sur son visage. La cloche annonçant le début du
combat retentit. L’homme ne perdit pas un instant et fonça droit sur elle. La
jeune femme se prépara à esquiver sur la droite mais son implant lui suggéra de
passer par la gauche. Elle préféra suivre ses conseils et tester par là même
ses nouvelles capacités. Grand bien lui en prit car il prévoyait un coup vers
le bas avec son poing droit, sans doute une astuce de son entraîneur qu’il
réalisait à chaque début de match. Après cette réussite avantageuse, elle
décida de s’en remettre totalement à son implant. Le combat fut bref et sans
défaut. Elle le survola sans difficulté.
De plus en plus confiante en ses nouvelles
capacités, elle sentait son rêve se rapprocher peu à peu. Elle n’était plus
qu’à un combat de la victoire. Bientôt, elle quitterait l’Enfer pour le Paradis.
L’euphorie la gagna et ne la quitta plus durant les trois jours suivants malgré
les conseils d’Eno visant à la recadrer et à la canaliser. Trop en faire avec
un implant nouvellement incorporé pouvait souvent se révéler dangereux, voir
mortel.
Mais rien de tout cela n’arriva. Et quand le match de
la finale débuta, Keisha se savait déjà conquérante du titre du Full
Fighters. Son adversaire, bien que coriace, fut vaincu en quelques minutes
à peine. La foule hurla à s’en arracher les poumons et son cri retentit
jusqu’au plus profond égout de New York. La jeune femme, en pleurs, fut saluer
d’une immense ovation. Eno, fier de son amie, lui fit don de l’une de ses rares
accolades fraternelles dont il avait le secret. C’était le plus beau jour de sa
vie.
Très vite, tout s’enchaîna. La milice investit l’arène,
entourant la championne. Munis de leurs armes destructrices, les soldats
guettaient le moindre signe d’hostilité de la foule. Keisha désactiva son
implant pour éviter la confusion. Un homme du nom de Warwick, que tous
connaissaient via les écrans géants disséminés dans tout l’Enfer comme étant
l’un des conseillers dirigeants de Total Shield, vint la rejoindre à son
tour, accompagné d’un mini drone caméra. L’image de la jeune femme apparut à la
télévision, un sourire radieux aux lèvres.
— Mes félicitations, mademoiselle Keisha. En tant
que représentant officiel de Total Shield, je vous nomme dès à présent
championne du Full Fighters. Si vous voulez bien venir avec moi, nous
allons vous accueillir en direct sur la Cité Volante dans votre nouvelle
demeure, offerte généreusement par notre société.
Il fit un geste dans sa direction, l’invitant à le
suivre, en prenant garde toutefois de ne pas la toucher. Elle lui emboîta le
pas. La milice les mena à la grande tour faisant office d’ascenseur sous le
regard adorateur d’une foule envoûtée.
L’étage supérieur était tel qu’elle se l’était
imaginé : d’immenses maisons entourées de jardins somptueux, un ciel bleu
artificiel surplombant l’ensemble de la ville. Elle pouvait presque sentir les
rayons du soleil réchauffer sa peau. Le drone caméra les suivit tranquillement,
filmant sans relâche l’arrivée de Keisha qui réalisait le rêve de beaucoup. Sa
maison était spacieuse et accueillante, équipée de toutes les dernières options
technologiques. Après en avoir fait le tour du propriétaire, Warwick et elle
partirent à la rencontre du dernier gagnant du tournoi afin de filmer, comme
chaque fois, la poignée de mains historique. Ethian l’accueillit avec un
sourire aussi radieux que le sien et tout se déroula avec une perfection
frisant l’utopie.
Puis le drone éteignit sa caméra et activa une autre
fonction.
S.E.R.V.I.C.E. D.E. R.É.G.U.L.A.T.I.O.N. D.E. L.A.
P.O.P.U.L.A.T.I.O.N.
— Trois ans ici valent mieux qu’une vie en Enfer,
lui affirma Ethian en gardant un sourire éclatant sur le visage.
U.N. S.E.U.L. V.A.I.N.Q.U.E.U.R. D.E. T.O.U.R.N.O.I.
A.U.T.O.R.I.S.É.
Un canon de revolver sortit de l’une des facettes du
drone. La tempe d’Ethian fut transpercée, éclaboussant le visage choqué de la
jeune femme.
R.É.G.U.L.A.T.I.O.N. E.F.F.E.C.T.U.É.E.
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